Les fonts baptismaux
En utilisant la porte de la place St Martin, nous nous dirigeons, sur la gauche, vers les “fonts baptismaux”, aménagés en 1937 dans l’ancienne tour romane. Nous découvrons un vitrail où Louis Barillet a représenté Saint Paul dans une ouverture étroite. (M)
En 1936, construits en pierres rouges appelées “grisons”, les murs s’élèvent et se rejoignent pour former une petite coupole. Au sol, le carrelage évoque le Père, le Fils et l’Esprit. Le chrétien reçoit le baptême au nom de Dieu Trinité. Sur le mur, une mosaïque récente évoque à la manière ancienne, le baptême de Jésus par Jean-Baptiste, dans les eaux du Jourdain. La “fontaine” baptismale est réduite à une cuve creusée dans un bloc de marbre de Grèce vert. Sur les portillons en fer forgé, nous y découvrons les deux lettres extrêmes de l’alphabet grec : A (alpha) et W (Oméga). Manière de dire que le Christ est la plénitude (Commencement et fin) de l’univers.
Le retable monumental XVIIe
Le retable est une sorte de mise en scène de la vie et de l’espérance chrétiennes. Celui de l’Aigle est daté de 1656. Au XXème l’Eglise a ressenti le besoin de donner à contempler un certain nombre de données de la foi. Ce retable a dès lors occulté les fenêtres de la construction originelle. Il se donne à voir comme un horizon qui met en valeur l’autel (lieu de célébration de la messe), le tabernacle (réserve du St Sacrement, et même parfois lieu de dépôt des Saintes Ecritures), le tableau (qui reprend une scène évangélique pour en montrer l’actualité : ici une descente de croix) C, des statues de saints qui évoque l’église en marche, et même en ascension vers le Royaume de Dieu (ici Saint Martin (3) et Saint Porcien (2)).
Aux ailes du retable, dans un décor plus modeste, nous reconnaissons deux saints particulièrement invoqués pendant les funestes épidémies de peste : Saint Sébastien (4) et Saint Roch (1), les saints à la peau lacérée.
De part et d’autre du fronton descendent des guirlandes de vigne et de blé. C’est une évocation de l’eucharistie, le sacrement de la messe qui unit le ciel et la terre. Au milieu du fronton trois angelots soutiennent un écu où sont peintes les lettres J H S (Jésus, Sauveur des hommes).
Enfin, au niveau supérieur, au centre d’un décor triomphal (pots à feu, anges, spirales, colonnes à personnages, arc interrompu...), Jésus, debout, tient dans une main le globe terrestre et lève la main droite, geste qui manifeste son pouvoir d’enseigner.
Jésus, de haut en bas du retable, est bien celui qui donne un sens à tout ce décor.
Deux petits retables baroques XVIIe
A droite du retable central, sous le vitrail de Saint Porcien, un autel-tombeau est surmonté d’un tableau représentant l’ange gardien du paradis terrestre chassant Adam et Eve (b). Il est encadré de deux descentes de guirlandes de fruits. Deux colonnes torsadées soutiennent un entablement où repose un fronton à forme trapézoïdale bordé de denticules.
A gauche du retable principal, sur un autel-tombeau orné d’un médaillon portant en bas-relief la Mère et l’Enfant, repose une peinture de l’Assomption de Marie (d). Reposant sur deux soubassements ornés, des colonnes finement ajourées soutiennent un entablement. Les extrémités, légèrement surhaussées, portent des pots à feu, ornement fréquent des autels baroques. Cet autel est intégré dans “l’espace marial” de cette église.
Le vitrail
de Saint Porcien
Nous revenons sur les vitraux du côté droit de l’église qui illustrent la sainteté. Les vitraux et les retables sont aussi des moyens d’enseignement religieux car les fidèles ne savaient pas tous lire !
St. Porcien, Patron de confrérie (D) XVe (en 1947)
Au-dessus de l’autel baroque, ce grand vitrail a été rescapé suite au bombardement du 7 juin 1944.
Le vitrail raconte l’intervention de Saint Porcien en 525 près du roi mérovingien Thierry Ier, un fils de Clovis. Ce roi voulait détruire la ville de Clermont (en Auvergne). À la table de Thierry Ier, Saint Porcien bénit le vase préparé pour la boisson du roi, un serpent venimeux en sort. Pour remercier Porcien, le roi accorde sa grâce à la ville de Clermont.
C’est cette rencontre avec le roi et son armée que nous montre le vitrail : Portien en habit sombre de Bénédictin au milieu de guerriers multicolores avec fifres et tambours, certains soldats portant des turbans évoquant les infidèles. A noter que les chevaux sont pommelés comme les percherons. Ce vitrail très coloré fourmille de détails. Il a été offert par la Confrérie de la Charité Saint-Porcien et payé le 15 février 1557.
À l’image de Jésus, le saint apparaît comme un donneur de vie et un artisan de paix.
Qu’est-ce une confrérie ? Les confréries sont des communautés destinées à favoriser une entraide fraternelle ou à perpétuer une tradition, une sorte d’ancêtre de la Sécurité Sociale, (toutes les confréries furent abolies au moment de la Révolution française).
Les Vitraux de Max Ingrand (façade Sud)
Nous pouvons remarquer que, dans les vitraux exposés au sud (côté place St Martin), Max Ingrand privilégie les couleurs chaudes (rouge, jaune, or...) et réserve aux autres les couleurs froides (bleu et vert), côté nord. Une des particularités de ce maître verrier est de composer ses vitraux comme on ferait de la tapisserie de verre. Il réalise les vitraux suivants en 1947.
St. Martin - Patron de la Paroisse (C) XXe (en 1947)
L’Aigle est l’une des 3.700 paroisses placées sous le patronage de Saint Martin de Tours. Le vitrail illustre quelques moments de sa vie. A 18 ans, encore païen, il partage son manteau militaire avec un pauvre. La nuit suivante, un songe lui fait identifier le pauvre et Jésus. Martin se convertit. C’est la scène centrale du vitrail. Tout autour est présenté des épisodes racontés par Sulpice Sévère, historien contemporain de Martin : les mauvaises rencontres de Martin (brigands, diable), la conversion de sa mère, les deux monastères de Ligugé (Poitiers) et de Marmoutiers (Tours), son intervention (sans succès) près de l’empereur romain situé à Trèves en faveur d’hérétiques menacés de mort en Aquitaine, et sa propre mort à Candes dans un monastère qu’il avait fondé.
"Le sermon sur la montagne" (A)
Max Ingrand illustre ici le beau poème des béatitudes (Matthieu, chap. 5). Jésus, le maître, entouré de ses disciples, proclame les conditions du bonheur : Heureux ceux qui ont l’esprit de pauvreté, Heureux les coeurs purs, les artisans de la paix.
Ainsi Jésus n’est pas seul. Il se prolonge dans son Eglise, dans les saints avec ou sans auréole, et dans ceux qui croient sans avoir vu, qui espèrent au-delà de toute certitude, qui aiment sans frontières.
Nous traversons la nef centrale. Au passage, nous levons les yeux vers le crucifix de Lambert-Rucki (XXème siècle) sur le pilier face à la chair .
Sainte Marie, la mère
Nous nous rendons dans la nef à gauche de la nef centrale. Nous pénétrons dans le jardin de Notre Dame. Il s’étale entre deux statues murales : près de l’autel, Notre Dame à la Figue XVIIème siècle (6). L’enfant Jésus, d’une main candidement puérile, semble caresser le menton de sa mère couronnée.
A l’autre extrémité de la nef est placée une Piéta (7), pétrifiée de douleur. C’est un plâtre original de Léon Drivier (1951).
Les Vitraux de Max Ingrand (façade Nord)
Quatre vitraux (1947) de Max Ingrand ont un lien étroit avec le mystère de Jésus et le mystère de Marie. Nous commençons par le bas de la nef à gauche du retable central.
Douleur :
Le Christ en croix, la crucifixion (E) Le bord du manteau de Marie illustre d’une ligne de clarté sur le mystère tragique de la mort du Christ. Le Christ se penchait vers la terre. Il lui apportait la vie en offrant la sienne. Ici, outre les anges, une quinzaine de personnes représentent l’Eglise vers laquelle Jésus se penche comme pour lui transmettre le pouvoir et le devoir d’annoncer l’Evangile à toute créature.
Gloire (F)
Marie apparaît dans l’oculus quadrilobé du réseau du vitrail des “mystères glorieux”. Max Ingrand illustre ici la Pentecôte. Les apôtres sont représentés dans les lancettes. Le deuxième espace à partir de la droite évoque le couronnement de Marie dans les cieux.
Joie (G)
Elle l’occupe dans le vitrail qui illustre les mystères de l’enfance du Christ, souvent appelés “mystères joyeux ». L’annonce à Marie, la visite à Elisabeth, la présentation de Jésus au Temple, la vie à Nazareth entourent la naissance de Jésus. Nous observons que les anges occupent une place importante dans l’expression religieuse de Max Ingrand.
Jessé (H)
L’arbre de Jessé illustre l’origine de Jésus. Jessé devient la souche de l’arbre dont les branches portent les ancêtres de Jésus, qualifié parfois de “Fils de David”. En haut du tronc apparaît Marie, portant son fils Jésus. L’arbre de Jessé a tenu une grande place dans l’iconographie chrétienne occidentale du XIème au XVIème siècle. Ici, Marie occupe la place centrale.
Il nous reste à explorer deux vitraux.
L’un est ancien et a été reconstitué avec des pièces sauvées du bombardement du 7 juin 1944. Il date du XVème siècle (J). Dans les lancettes supérieures nous voyons Saint Nicolas, Jean-le-Baptiste et une Descente de Croix. La partie inférieure représente l’apparition du crucifix entre les bois d’un cerf à Saint Hubert. La chasse légendaire de Saint Hubert (VIIIè siècle) succéda à celle du romain Eustache (IIè siècle).
Les saint d'ici
L'autre au fond de l’église, nous découvrons un vitrail de Jean Barillet (1947) (K). Trois personnages sont ici représentés. Au centre, Saint Evroult qui fonda une abbaye dans le pays d’Ouche au VIIème siècle. Une communauté de moines s’y rassembla jusqu’au Xème siècle. A sa droite, le bienheureux Lanfranc qui favorisa le développement intellectuel de l’abbaye Saint-Evroult au XIème siècle, puis devint abbé de l’Abbaye aux Hommes à Caen et devint archevêque de Cantorbéry. A la gauche de Saint-Evroult, Saint Anselme qui rencontra Henri Ier d’Angleterre à L’Aigle en 1105. Lui aussi, il acheva sa vie comme archevêque de Cantorbéry.
Dans la partie haute des lancettes figurent les trois églises de L’Aigle : Saint Barthélémy, Saint Martin et Saint Jean.
Au bas du vitrail on a présenté le “miracle des hosties” dérobées... et qui rejoignent d’ellesmêmes un ciboire. Cela se passait en 1554. De part et d’autre, Jean Barillet a évoqué les travaux matériels des moines... et des habitants de ce pays : l’agriculture et la forge. Dans la capitale de l’aiguille, il fallait au moins cette mention.
En 1936, pour faire place au vitrail du fond, l’orgue est partagé de part et d’autre de la tribune. Son vitrail (L) de Louis Barillet, réalisé avec ses collaborateurs habituels : Le Chevalier et Hanssen, évoque la grandeur de la Musique Sacrée en figurant les huit tons Grégoriens, par des personnages habilement étagés.
L’orgue de l’église de L’Aigle a été réalisé dans les ateliers d’un des plus célèbres facteurs d’orgue du XXè siècle. A l’initiative de l’abbé Paul Girard, l’orgue a évolué en 1923. Cet orgue fut construit par Charles Mutin qui était le successeur de la prestigieuse facture d’orgue Cavaillé-Coll. En 1928, pour améliorer le rendu sonore de l’orgue, de nouveaux jeux sont installés. D’autres modifications sont envisagées en 1941, puis 1951 à cause de vieux tuyaux usés, de notes qui ne fonctionnent plus. Les travaux sont terminés en 1953, avec des transmissions de clavier qui sont électrifiées.